Second long métrage de Haifaa al-Mansour, Mary Shelley suit les jeunes années de l’auteur britannique à l’origine de Frankenstein, dans un monde où les femmes n’avaient aucun droit. Actuellement au cinéma.
En 1814, alors qu’elle n’a que 16 ans, Mary Wollstonecraft Godwin entame une relation passionnée et scandaleuse avec le poète Percy Shelley et s’enfuit avec lui. Condamné par les bienpensants, leur amour tumultueux se nourrit de leurs idées progressistes. En 1816, le couple passe l’été à Genève, au bord du lac Léman, dans la demeure de Lord Byron. Lors d’une nuit d’orage, à la faveur d’un pari, Mary a l’idée du personnage de Frankenstein. Dans une société qui ne laissait aucune place aux femmes de lettres, Mary Shelley, 18 ans à peine, allait révolutionner la littérature et marquer la culture populaire à tout jamais.
Biopic réalisé par Haifaa al-Mansour, Mary Shelley raconte comment la jeune femme de lettres britannique a bouleversé la littérature du XIXème, avec son roman de science-fiction, Frankenstein. Sa vie est passée au peigne fin, entre solitude, abandon et ennui, sans oublier le deuil. Le scénario est bien documenté, même s’il subit quelques raccourcis concernant la maternité de Mary, et des libertés concernant les dates et les lieux. Il permet de mieux comprendre l’œuvre qui a découlé de cette vie. L’incursion dans la vie de Mary Godwin permet à la réalisatrice saoudienne de traiter les mœurs sociétales de l’époque : inégalité entre les hommes et les femmes, la condition féminine au XIXème, le droit des femmes, etc. Film féministe, Mary Shelley montre du doigt l’ensemble des injustices dont est victime Mary : les éditeurs doutent de son talent, son anonymat est signe de bienséance, le sujet de son roman n’est pas compatible avec son sexe, elle est reniée par son père lorsqu’elle décide de suivre Percy. Par ailleurs, Haifaa al-Mansour place l’inspiration au centre de son récit. La littérature et la poésie sont omniprésentes dans la vie de Mary, si bien que des extraits littéraires ponctuent la narration.
Concernant la réalisation, la cinéaste a su reconstitué l’époque d’une belle manière, avec un travail soigné de la lumière, dont l’éclairage si particulier d’une bougie, et des costumes. Dommage que la qualité de l’image ne permette pas l’observation des détails. Haifaa al-Mansour a également opté pour la mise en valeur des tourments de Mary, en assombrissant au maximum certaines scènes, ainsi que pour les ellipses temporelles, afin de ne pas noircir encore plus le tableau de la vie de Mary Shelley. Quelques lenteurs soulignent subtilement l’ennui, la solitude et l’abandon que ressent Mary. Ses cauchemars, qui hantent ses nuits et qui sont inspirés de son vécu, sont saisissants. Le résultat final est esthétiquement beau. Par ses tranches de vie, le spectateur découvre le cheminement de l’inspiration, et ce jusqu’à l’aboutissement de Frankenstein. De la solitude de la jeune femme, de ses souffrances, naissent un roman qui fera date le monde des lettres. Enfin, le jeu des acteurs est excellent, en particulier le trio de tête, composé d’Elle Fanning, Douglas Booth et Bel Powley. Ils se glissent aisément dans la peau de leur personnage et leurs costumes.
Superbe biopic, Mary Shelley plonge le public au cœur du XIXème siècle, et lui fait découvrir la naissance d’un ouvrage majeur de la littérature, Frankenstein ou le Prométhée moderne, publié en 1818. Une belle réalisation à découvrir absolument !
• Mary Shelley, un film de Haifaa al-Mansour • Avec Elle Fanning, Douglas Booth, Tom Sturridge, Bel Powley, Owen Richards, Joanne Froggatt, Stephen Dillane… • 2h • Sortie le 8 août 2018.