Créée en 2010 à Broadway, La Vénus à la fourrure, écrite par David Ives, s’est vue couronnée de 3 Tony Awards en 2011 (Meilleure pièce, Meilleure comédienne et Meilleur comédien). Depuis le 15 octobre 2014, la pièce aux couleurs SM, inspirée de l’œuvre de Leopold Von Sacher-Masoch, a débarqué sur les planches du Théâtre Tristan Bernard. A l’affiche, Marie Gillain et Nicolas Briançon, mis en scène par Jérémie Lippmann.
Dès le début de la pièce, le ton est donné : sonneries intempestives de téléphone portable, vulgarité et tenues légères ouvrent La Vénus à la fourrure. Marie Gillain porte à merveille une tenue sexy en cuir noir, rappelant l’univers SM du spectacle. Sous la veste et la jupe en cuir, elle est vêtue d’un ensemble noir : une guêpière, des porte-jarretelles, des bas, des souliers à talons aiguille ou des cuissardes à la fin du spectacle. Face à elle, Nicolas Briançon se contente d’une apparence quotidienne, avec son jean et sa chemise. Les personnages garderont ces costumes tout au long de la pièce, parfois relevés par d’autres vêtements faisant référence à l’époque du texte d’origine (1870). Tandis que Wanda Jordan alterne avec une robe blanche et une “fourrure” (il s’agit en réalité d’une bâche de protection), Thomas Novachek porte tour à tour une redingote et une veste de laquais, soigneusement apportés par Wanda pour son audition.
Cette audition se déroule dans un théâtre en travaux. Une grande bâche trouée évoque ces travaux, et sépare la salle de la scène. La salle est représentée par une simple chaise en bois et une barre de maintient entre le plafond et le sol, afin que rien ne s’écroule. Quant à la scène, elle est matérialisée par un sofa vert, recouvert d’une seconde bâche. Le décor est simple, mais efficace : la barre de maintient sert également à Wanda pour l’interprétation de son personnage, et la bâche de protection du sofa vert fait office de fourrure. Au fond de la scène, une fourrure de renard a été pendue. Elle ne sert qu’une seule fois, à la fin du spectacle : elle couvre juste comme il faut la nudité (réelle) de Wanda.
Le double usage de certaines parties du décor accentue la frontière floue entre la réalité et la fiction. Wanda, comédienne venue de nulle part, multiplie les interprétations de son rôle, allant jusqu’à utiliser un fouet (accessoire invisible aux yeux du public). Elle joue avec sa voix (au début de la pièce, la voix de Marie Gillain est méconnaissable), son physique, et son prénom, ce qui déstabilise l’adaptateur du livre. Thomas, subjugué par la jeune femme, voit se retourner contre lui le jeu de domination qu’il avait imaginé pour ses personnages. D’autant que la comédienne porte le même prénom que son rôle. Cette mise en abîme perturbe et ajoute une dimension mystérieuse à Wanda.
Qui est réellement l’envoutante Wanda ? Thomas aurait-il dû quitter le théâtre et forcer Wanda à partir avant même qu’elle ne monte sur scène ?
La domination exercée par Wanda sur Thomas est servie par les jeux de lumières. Wanda se sert de l’audition et de sa connaissance parfaite du texte de la pièce pour provoquer Thomas. Tandis qu’elle monte sur le sofa, seule une bougie au sol éclaire l’espace scénique. Ainsi, l’ombre gigantesque de Wanda domine celle de Thomas, minuscule, ce dernier étant à genoux. Outre la domination femme/homme, les lumières mettent en exergue une domination sexuelle. Wanda danse lascivement, et son ombre, projetée au mur, laisse croire que cette dernière danse nue sur scène sous les yeux de Thomas.
Les acteurs s’en donnent à cœur joie avec cette Vénus à la fourrure des temps modernes. Cris, hurlements, rires, pleurs, colère, Marie Gillain et Nicolas Briançon passent par toutes les émotions pendant les 90 minutes que dure la pièce. Ils transportent le spectateur dans l’univers masochiste des années 1870, avec une pointe de vulgarité qui ne déplait pas. La mise en scène de Jérémie Lippmann permet au duo d’acteurs d’offrir une superbe performance au public. Une pièce audacieuse à voir absolument !
*La Vénus à la fourrure, de David Ives, avec Marie Gillain et Nicolas Briançon. Mise en scène de Jérémie Lippmann. Jusqu’au 20 décembre 2014. Du mardi au samedi 18h, 19h ou 21h. Relâche du 20 janvier au 3 février 2015. Reprise le 4 février (du mardi au samedi à 21h et samedi à 18h). Relâche du 24 au 28 février 2015. Reprise le 4 mars (du mardi au samedi à 21h). Jusqu’à fin mars 2015. Dernière le 18 avril 2015. Théâtre Tristan Bernard, 64 rue du Rocher, 75008 Paris. Téléphone : 01 45 22 08 40.
(Mise à jour : 5 février 2015 15 avril 2015).