Parfois violente, souvent belle, la relation entre M’man et Gaby évolue au cours de cinq bribes de vie. L’histoire se déroule à Modane, ville natale de l’auteur. Est-elle autobiographique ? Sans doute. Les détails ne trompent pas. Ils ancrent le récit dans la réalité. Le spectateur assiste-t-il à un témoignage, ou à une pure fiction ? A lui de choisir. Le dramaturge est fier de cette station de sports d’hiver, mais dénonce la solitude ressentie malgré le tourisme. Seul au milieu de la foule, où le chômage pousse les jeunes vers les grandes villes, Gaby est étouffé par l’amour inconditionnel que lui porte sa mère. Sa volonté d’émancipation est contenue par le caractère lunatique de M’man. Côté dialogues, Fabrice Melquiot ne mâche pas ses mots. Crues, et justes, les tirades font de M’man une œuvre moderne, dans l’air du temps. Chaque saynète gagne en profondeur et en intensité, le paroxysme étant l’aveu du lourd secret de famille. Au service de cette belle histoire d’amour torturée, Cristiana Reali et Robin Causse. Ils livrent une performance scénique remarquable. Cristiana Reali est Brunella, dont l’humeur est digne des montagnes russes californiennes. Son personnage est instable, mais attachant, et passe du rire en larmes en un temps record. Quant à Robin Causse, il se glisse dans les costumes de Gaby, grand gamin de 30 ans toujours chez M’man. Il est sans cesse en confrontation avec sa mère. Mention spéciale pour son interprétation de La felicità. Avec ces deux comédiens hors pair, les émotions sont au rendez-vous ! Ils évoluent au cœur d’un décor fonctionnel et innovant représentant l’appartement modeste où ils vivent. Ce dernier change d’apparence au fur et à mesure. Il matérialise la vie qui défile, à l’aide d’inscriptions temporelles. Il est situé au milieu de la scène. La vie autour représente la solitude du village, le monde extérieur au cocon. Le vide est aussi l’occasion d’alterner entre la chaleur rassurante de l’appartement et le froid montagnard, la nuit noire, l’hostilité.