Cinéma : Bonhomme, une vie à refaire


Pour son huitième long métrage, Marion Vernoux aborde l’amour conjugué au handicap. Ainsi, elle dresse le portrait de Piotr (Nicolas Duvauchelle) et Marilyn (Ana Girardot), unis pour le meilleur et pour le pire. Actuellement au cinéma.

La vie de Piotr et Marilyn, jeune couple de la banlieue lilloise, va être bouleversée suite à un accident de voiture. Traumatisé crânien, Piotr, s’il garde son physique avantageux, n’a plus toute sa tête : tantôt matou apathique, tantôt fauve en rut à l’hypersexualité débridée. Pour Marilyn, convaincue que son amour pour lui peut le sauver, c’est le début d’une épopée menée vaille que vaille et cul par-dessus tête.

Si le film peine à débuter (l’accident arrive après une longue introduction), il laisse le temps aux spectateurs de découvrir la vie de Piotr et Marilyn. De cette manière, ils saisissent la relation qui existe entre eux avant le drame. Le vocabulaire est familier, les jeunes cherchent, tant bien que mal, à sortir d’une situation précaire, faite de petits boulots. Pendant ces quelques minutes, Marion Vernoux évoque les problèmes autour de l’emploi, des entretiens d’embauche au chômage, mais aussi les conséquences de la vie à deux, notamment lorsque la pauvreté s’invite à la fête. Une fois ce cadre posé, la réalisatrice filme le nouveau quotidien d’une famille, après un grave accident de la route et un coma. Diverses thématiques s’emboîtent, telles que la belle-famille, la longue rééducation, les séquelles cognitives dues à un traumatisme crânien frontal, l’acceptation du handicap par Marylin, d’une nouvelle vie ressemblant à un puzzle à reconstituer, des conséquences sociales, puisque Piotr est désormais “sans filtre”. Un minutieux travail de documentation a été fait par la cinéaste autour de ce handicap méconnu, car presque invisible. Une séquence sur le fonctionnement du cerveau explique précisément les séquelles possibles. Des recherches qui donnent, en quelque sorte, la parole aux familles concernées.

Malgré cette situation dramatique, Marion Vernoux a créé un film solaire, lumineux, par l’intermédiaire d’un travail approfondi de la photographie. Un tendre long métrage où l’humour a sa place. Piotr est redevenu un ado dans sa tête ? Elle utilise ses pulsions sexuelles pour mettre en scène un comique de répétition. Les complexes n’existent plus dans la tête du jeune homme, si bien que la réalisatrice évoque le résultat de la prise de certains médicaments, ou la violence inconsciente (l’une de ces scènes s’apparente même à un viol) et la question du consentement. Certes, ses héros oscillent entre violence, colère et tristesse, mais elle dédramatise un combat quotidien. Leur vie est bouleversée, les souvenirs oubliés, les rôles inversés : le bonhomme du début devient dépendant de sa compagne, elle-même devenant ce bonhomme qui assume le fonctionnement du foyer. Ce nouveau couple se matérialise par la démarche bancale à la fin, lorsque Piotr et Marylin partagent le même blouson. Ils ne savent pas quelle direction prendra leur vie, mais l’espoir est bel et bien présent tout au long de l’œuvre. Les personnages nés sous la plume de Marion Vernoux écrivent leur histoire, leur futur, malgré l’adversité. Des personnages nés également grâce aux performances remarquables de Nicolas Duvauchelle et Ana Girardot. Leur jeu est superbe. Les spectateurs s’attachent à eux, s’identifient à ces êtres cassés.

Une belle chronique qui fait réfléchir sur les conséquences des accidents de la route, où la question de rester ou partir se pose sans cesse, où l’amour et l’espoir se conjuguent ensemble afin de créer un futur qui en vaut la peine. À voir entre amis ou en famille ! Et n’oubliez pas : sécurité routière, tous responsables.

Bonhomme, un film de Marion Vernoux • Avec Nicolas Duvauchelle, Ana Girardot, Béatrice Dalle, François Rollin, Vanessa Guide, Jisca Kalvanda, Sébastien Houbani… • 1h43 • Sortie le 29 août 2018.

Laissez un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *